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Consommer local après la crise ?

La crise sanitaire actuelle est en train de modifier profondément les perceptions de notre monde. Dans le secteur alimentaire, elle a déjà de nombreuses conséquences et nous amène à nous interroger sur notre alimentation. Elle oblige aussi les systèmes alimentaires à plus de résilience.

Dans le contexte inédit que nous vivons, l’incitation est à la transition. Nombreux sont ceux qui la souhaitent mais ne savent comment la provoquer. Si la crise déstructure par sa violence, elle n’est en aucun cas la garantie de bouleversements positifs dans les fonctionnements des filières ou dans notre alimentation. En témoigne la réouverture récente d’un drive d’une grande chaîne de restauration rapide dans la région parisienne qui a provoqué des heures d’attente et des files de voitures impressionnantes.

Pour autant peut-on affirmer que cette crise ne laissera pas de trace, qu’elle ne sera pas un pas de plus vers des systèmes alimentaires ou une alimentation plus durables ?

L’engouement pour les circuits courts, l’émergence d’outils numériques pour la mise en relation de producteurs et de consommateurs, le travail des collectivités pour réorienter les débouchés habituels de leurs restaurants collectifs font émerger de nouveaux comportements qui, peut-être, s’ancreront dans le temps.

Que dire dans ce contexte des SyAM, ou Systèmes Alimentaires du Milieu, ces circuits innovants qui se structurent à des échelles régionales en intégrant à la fois les avantages des circuits courts et des circuits longs ?

Au sein de ces circuits, de nombreux opérateurs mettent en avant une alimentation de qualité, promettent un partage de la valeur plus important, mobilisent différents types d’acteurs.

Des agriculteurs regroupés au sein de plateformes, d’associations commercialisent en plus grande quantité et sur des marchés plus divers. Les relations qui s’y nouent s’apparentent à des partenariats plus qu’à des relations de concurrence. Leurs objectifs visent à la fois une reconnexion des acteurs, de l’agriculteur jusqu’aux consommateurs, mais aussi des changements de pratiques de la production jusqu’à la distribution.

En entrant différemment en collaboration, en discutant, en coopérant, en favorisant la transparence dans leur relation, en imaginant de nouvelles façons de construire un prix, ces systèmes donnent à voir de nouvelles régulations. Ils imaginent des façons de fonctionner plus coopératives ou chaque acteur entre en « liaison » avec les autres car la démarche ne fonctionne que si chaque partenaire y gagne.

Ces systèmes, qui affirment aujourd’hui leur caractère hybride mais aussi innovant, sont de plus en plus connus mais sont encore fragiles et incertains. Il faudra au sortir de la crise les accompagner plus encore pour en assurer la survie. Travailler leur identification sur les marchés, stabiliser les modes de fonctionnement autour d’un prix juste, améliorer les coopérations entre acteurs publics et privés pour assurer leur résilience, y développer et mettre en avant des pratiques agroécologiques.

Ils peuvent cependant s’avérer être des outils intéressants pour les territoires souhaitant reterritorialiser leur alimentation de façon éthique et vertueuse. Leur mode de coopération partenarial, leur capacité à aller sur des marchés à plus fort débouchés, leur nécessité d’être vertueux sur le plan environnemental, leur objectif d’accessibilité, favorisent le maintien d’activités agricoles et agroalimentaires diversifiées sur les territoires et permettent à de nombreux consommateurs de bénéficier d’une alimentation de qualité.

Le projet PSDR SyAM a construit de nombreux outils afin d’accompagner ces systèmes, des fiches cas permettant de mieux en comprendre la spécificité, des vidéos pour les définir, des fiches outils pour créer de la valeur, construire un cahier des charges, imaginer un partenariat gagnant-gagnant, cartographier et optimiser les chaînes de valeurs, comprendre les indicateurs d’une triple performances, imaginer une trajectoire de développement… et un jeu favorisant la mise en relation des opérateurs impliqués dans une telle démarche. Ces outils sont d’ores et déjà disponibles sur le site web de l’Isara.

Article rédigé par Carole Chazoule, sociologue à l’Isara.

 

Carole Chazoule, enseignante-chercheure à l’Isara, travaille depuis de nombreuses années sur la sociologie des systèmes alimentaires.

Spécialiste des circuits alternatifs comme les circuits courts, circuits de qualité (filières biologiques et AOP…), elle coordonne depuis quatre ans le projet PSDR SYAM.